En Slovénie, dans la région de Primorska : au royaume du jambon sec du Karst et de la jota


Miren (Merna en italien) est une bourgade d’à peine 1500 habitants située en Slovénie, dans la région du littoral adriatique de la Primorska, sur les berges mêmes de la rivière Vipava. Miren est aujourd’hui en Slovénie, plus précisément dans le Karst, mais ce ne fut pas toujours le cas. Ainsi, dans ce coin d’Europe à l’histoire tumultueuse, les villes et villages ont changé plusieurs fois de nationalité au gré des batailles, conquêtes et défaites qui ont marqué tantôt l’extension puis le retrait de l’empire austro-hongrois, puis la montée en puissance de l’Italie après la première guerre mondiale et quelques années plus tard l’avènement de la Yougoslavie communiste après la seconde guerre mondiale.

Miren illustre parfaitement les drames et les absurdités engendrés par la seconde guerre mondiale dans cette région. En effet, à la conclusion de l’armistice en 1945, les négociateurs sont parvenus à cet incompréhensible mais non moins dramatique accord qui a consisté à faire passer la frontière italo-yougoslave en plein milieu du cimetière de Miren. Du jour au lendemain, à partir de 1947, certaines familles de Miren ne pouvaient plus se recueillir sur les tombes de leurs défunts, le cimetière étant traversé par une frontière faite de fils de fer barbelés qui délimitait désormais les deux pays précisément en ce lieu. Ce n’est qu’après le traité d’Osimo, signé entre l’Italie et la Yougoslavie le 10 novembre 1975, que la frontière a été déplacée à l’extérieur du cimetière, mettant fin ainsi à près de 30 années d’une douloureuse division des habitants de Miren par laquelle un défunt dans sa tombe pouvait reposer « la tête en Italie et les pieds en Yougoslavie ». Aujourd’hui, à l’entrée du cimetière, un petit musée (Spomni se nameSouviens-toi de moi) retrace cette triste période afin que l’absurdité de la guerre ne soit jamais oubliée.

Si vous êtes amateur d’Histoire, et en particulier des deux guerres mondiales, une visite de Miren s’impose. Si, de plus, vous êtes amateur de bonne cuisine et de gastronomie alors vous ne devez manquer sous aucun prétexte la visite de cette localité slovène, qui se situe aux portes de la région du Karst et de son fabuleux jambon séché au vent de la Burja : le Kraški pršut.

 

Au pays du Kraški pršut, le jambon sec du Karst et du vin Teran

La localité de Miren – Kostanjevica est située au pied du mondialement connu haut-plateau du Karst (Kras, en slovène). Cette région, qui a d’ailleurs donné son nom à toute une branche de la science géologique, se caractérise par un relief calcaire spécifique consistant en un sous-sol parcouru de vastes réseaux de grottes et rivières intermittentes représentant un véritable paradis pour les spéléologues. Mais pas seulement pour eux ! C’est en effet dans cette région qu’est élaboré le fameux jambon sec du Karst, un produit éminent et luxueux appartenant à la noble famille des prosciuttos : le Kraški pršut.

 

« Le jambon du Karst… juste du sel et du temps ! »

 

et du vent pourrait-on ajouter !

L’un des secrets du jambon sec du Karst est indubitablement son séchage exclusif au vent catabatique local appelé Bora (Burja) et sous l’influence du microclimat si particulier de ce coin de Méditerranée. Ce jambon exceptionnel, qui a obtenu l’appellation d’origine contrôlée au niveau européen, est élaboré de manière traditionnelle et propre à cette région. En effet, toutes les phases depuis la préparation et le salage de la viande au gros sel de la mer adriatique jusqu’au séchage et la lente maturation pouvant aller jusqu’à parfois trois ans en fonction du poids de la cuisse mais d’au minimum un à un an et demi, respectent des procédés extrêmement précis et codifiés dans des séchoirs spécifiques conçus de manière à pouvoir réguler l’exposition au vent de la Bora. Ces séchoirs permettent une température de séchage optimale (aux alentours de 18 degrés) et qui doit être absolument maîtrisée afin d’éviter que les graisses ne s’oxydent et ne finissent par donner un goût amer à la viande. De même, il faut porter une attention toute particulière à l’humidité responsable de l’apparition de moisissures.

Ce sont donc ces étapes de préparation, combinées à la géographie et au savoir-faire des maîtres jambonniers, qui rendent le jambon du Karst si unique mais aussi si rare au point que l’essentiel de la production est consommé en Slovénie et qu’il en reste par conséquent si peu pour l’export.

Le jambon sec du Karst, Slovénie. Photo : Tomo Jeseničnik

Le jambon sec du Karst bénéficie d’une appellation d’origine protégée (Slovénie). Photo : Tomo Jeseničnik

 

Déguster la jota à la ferme-auberge Faganeli

La ferme-auberge Faganeli, à Miren – Kostanjevica, représente une halte incontournable pour goûter à l’authentique jota du littoral slovène et se faire plaisir avec les charcuteries du Karst.

Faganeli est un établissement familial de type agrotouristique permettant de découvrir des savoir-faire agricoles authentiques et goûter à des spécialités culinaires originales que l’on aurait peu de chances de déguster dans des circuits commerciaux traditionnels.

Ce n’est à proprement parler pas une ferme, bien que vous verrez dans la cour déambuler, le ventre touchant presque le sol, l’étrange silhouette d’un imposant cochon noir qui attire tout de suite la curiosité des visiteurs.

Faganeli est à la fois une auberge qui se dédie à la bonne cuisine locale, un producteur de vin et un atelier de production de charcuteries traditionnelles. Autour de l’auberge s’étendent des jardins et des vergers dont le but est de fournir à Margarita, la propriétaire et cuisinière du lieu, des produits les plus frais et naturels possibles pour la partie restauration. Les produits que la famille Faganeli ne cultive pas elle-même proviennent de son réseau de paysans locaux.

L’établissement, de taille modeste, propose quelques tables pour déjeuner le midi dans une ambiance intimiste et un espace un peu à l’écart de la salle principale permettant de célébrer des événements. Au moment où notre petite délégation française a rendu visite à Faganeli, de sympathiques chants provenaient de cet espace. C’était tout simplement un groupe de personnes d’âge mûr qui célébrait avec beaucoup d’enthousiasme l’anniversaire de l’un d’entre eux. Bien entendu, nous avons tout de suite été invités à nous joindre à cette joyeuse assemblée pour partager quelques moments et des amuse-bouches.

Si vous décidez de vous restaurer chez Diego et Margarita Faganeli à Miren, nous vous recommandons de goûter tout particulièrement à l’excellente charcuterie de la maison et aussi à la jota (prononcer « iota »).

La jota est un plat typique de cette partie de la Slovénie ainsi que du Frioul, dans l’Italie voisine. Les Français ne manqueront pas de remarquer qu’elle ressemble un peu à la choucroute. C’est en partie vrai. Cependant la jota est un peu plus liquide et plus simple aussi bien dans sa composition que sa préparation, la faisant davantage ressembler à une soupe épaisse ou plutôt un ragoût. Ce qui la distingue de la choucroute aussi c’est la présence, selon les variantes, soit de haricots rouges soit de navet.

La jota est un plat unique qui fait tout un repas (le concept de plat unique appelé « enolončnica » est très répandu en Slovénie). Il s’agit d’un plat populaire dont les ingrédients de base sont la pomme de terre, le chou aigre, les haricots rouges et agrémentés de morceaux de lard ou jambon fumé. La jota est faite pour rassasier les travailleurs, notamment ceux qui ont des activités physiques.

Accompagné de pain blanc frais, la jota est un régal. Celle de Faganeli est – divine !

Les invités français se sont tellement régalés que Margarita a été contrainte d’en dévoiler la recette. L’astuce pour une jota du Karst parfaitement réussie est de cuire le chou, les pommes de terre et les haricots séparément. Ce n’est qu’ensuite que tous ces ingrédients sont réunis et terminent tranquillement leur cuisson ensemble.

 

La recette de la jota :

  • 500 g. de chou aigre (en France, on en trouve partout sous la forme de choucroute)
  • 500 g. de haricots rouges
  • 3 pommes de terre (à chair ferme)
  • l’équivalent de deux cuillères à soupe de lard fumé (lardons)
  • l’équivalent de deux cuillères à soupe de farine
  • 2 ou 3 gousses d’ail
  • 1 feuille de laurier (facultatif)
  • sel et poivre
  1. Laisser tremper les haricots rouges toute une nuit
  2. Le jour suivant, éplucher, couper en cubes, laver et cuire les pommes de terre
  3. Cuire le chou aigre et les haricots rouges séparément
  4. Lorsque les pommes de terre sont cuites et à la consistance voulue (ne pas trop cuire), ajouter le chou et les haricots
  5. Dans une poêle, faire revenir le lard, ajouter l’ail écrasé et la farine puis laisser cuire juste le temps de colorer (ne pas laisser brunir)
  6. Ajouter le lard précédemment revenu aux légumes
  7. Ajouter du sel (un peu car le lard est déjà salé) et du poivre, mélanger délicatement pour ne pas écraser la préparation, puis cuire la jota à feu doux jusqu’à la consistance finale souhaitée (en général 20 ou 30 minutes, n’oubliez pas que la jota doit rester un peu liquide)
  8. Servir avec du pain.

La variante de jota sans viande est tout à fait possible et même très répandue. Vous obtenez alors un délicieux plat végétarien ! À noter qu’en hiver on déguste la jota chaude, et en été on l’apprécie froide. Bon appétit.

 

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Contacts & Infos

Izletniška kmetija Faganeli
Miren 142
5291 Miren
Slovénie
Tél.: +386 (0)5 30 546 15

http://www.faganeli.si
margerita.faganeli@siol.net

Centre d’information touristique de Miren (TIC Miren)

 

 

Pour aller plus loin…

  • Article de la chaîne publique RTV SLO du 09/12/2012 – Meja zarezala tudi prek grobov (La frontière a séparé également les tombes)
  • Poti miru na Krasu (Les chemins de la paix) – Parcours historique transfrontalier entre la Slovénie et l’Italie de découverte et souvenir sur le thème de la Première Guerre mondiale (front de l’Isonzo)
  • Article du quotidien Delo du 03/03/2013 – V kraljestvu pršuta (Au royaume du prosciutto)