Le constructeur d’avions slovène Pipistrel a failli être le premier à traverser la Manche avec un appareil à moteur électrique


Le jeudi 9 juillet 2015 sera désormais une date clef dans l’histoire de l’aéronautique. En effet, le pilote français Hugues Duval a pour la première fois accompli l’exploit de traverser la Manche à bord de son avion CriCri E-Cristaline qui a la particularité d’être mû par un moteur électrique. Bravo pour ce record établi par un Français au nez et à la barbe de l’alliance Siemens-Airbus.

 

Un record aux enjeux économiques énormes

Les enjeux de la révolution tout électrique dans l’industrie aéronautique concernent de nombreux domaines :

  • réduction du coût horaire de pilotage
  • passage de l’étape expérimentale à un avion régional
  • économies de carburant
  • réduction de l’empreinte carbone
  • développement technologique et scientifique (batteries, moteurs, matériaux composites…)
  • création d’emplois

 

« L’enjeu est de faire baisser l’heure de pilotage et de la rendre, grâce à l’avion électrique, 25 fois moins chère » Les Échos

 

Dans notre article du 6 septembre 2014 nous présentions les avancées du constructeur d’avions de tourisme slovène Pipistrel dans le domaine de la motorisation électrique et son avion école électrique deux-places le WattsUP.

Parallèlement, le groupe européen Airbus a dévoilé lui aussi ses projets de produire des avions électriques notamment avec son modèle E-Fan (2.0). D’ailleurs, l’appareil d’Airbus vient tout juste d’effectuer, le 10/07/2015, son premier vol entre la ville anglaise de Lydd et Calais en France. Soit le lendemain du vol historique d’Hugues Duval.

Or, il y a un point commun entre le géant européen Airbus et le petit poucet slovène Pipistrel. Les moteurs électriques des aéronefs des deux constructeurs sont fournis par le même équipementier à savoir Siemens. Ndlr : l’article du quotidien slovène Delo émet l’hypothèse que l’E-Fan d’Airbus ne serait pas encore équipé du moteur de Siemens bien que la carlingue arbore les autocollants du constructeur.

 

La première traversée de la Manche

Le slovène Pipistrel avait demandé l’autorisation de traverser la Manche pour la première fois avec son aéronef à moteur électrique Alpha Electro. Cette requête a été rejetée mardi dernier par le partenaire Siemens qui n’a pas autorisé Pipistrel à effectuer ce vol avec un moteur Siemens. Les raisons avancées par l’industriel allemand sont officiellement d’ordre sécuritaire en matière de vol au-dessus de l’eau. Sans l’opposition de Siemens, Pipistrel aurait donc été le premier à tenter l’exploit de traverser la Manche avec un aéronef tout électrique… et prévoyait même de revenir à son point de départ. Exploit donc qu’a réussi Hugues Duval.

 

« Če se nas tako bojijo veliki, potem že delamo prav (Si les géants ont tant peur de nous, c’est que nous travaillons dans la bonne direction) », Ivo Boscarol, le PDG de Pipistrel dans le quotidien slovène Delo.

 

Selon le quotidien Delo, le doute est ainsi permis quant à l’interprétation officieuse de ce refus. En effet, le consortium Airbus-Siemens pour le développement de l’E-Fan avait aussi prévu cette même traversée mais seulement quelques jours après celle de Pipistrel.

C’est donc un troisième challenger qui a profité de ce retournement de situation : le français Hugues Duval a en effet pris rapidement en compte cette interdiction pour improviser un survol de la Manche à bord de son aéronef tout électrique, un peu en mode « opportuniste », damant ainsi le pion aux deux constructeurs en compétition. Hugues Duval ayant la chance d’avoir une autorisation de survol permanente n’a par conséquent pas eu à demander d’autorisation spécifique. Bravo donc au Français Duval et son Colomban CriCri électrique (Electravia) sponsorisé par Cristaline. Son avion est le plus petit avion électrique bimoteur à pilotage humain du monde ! Un pilote habitué à d’autres records comme celui de la plus grande vitesse avec 283 km par heure le 25/06/2011 avec ce même type d’appareil.

C’est bien dommage car Pipistrel s’était préparé à ce record depuis le mois d’octobre 2014. Une performance qui aurait été ainsi peut-être établie trois jours avant celle visée par Airbus-Siemens.

Quoi qu’il en soit, le modeste Pipistrel apparait désormais comme l’un des principaux protagonistes en Europe, aux côtés de grands comme Airbus, dans le domaine des avions tout électriques bimoteurs pilotés par des humains. Notons que le Alpha Electro de Pipistrel est prêt pour une utilisation par les clients.

À suivre donc…

 

Résultats de Pipistrel en 2014

En 2014, Pipistrel a enregistré une croissance de 15 % de son bénéfice par rapport à l’année précédente représentant un montant de 1,2 millions d’euros. Ce bénéfice est réparti de façon égalitaire entre tous les employés.

En 2015, les ventes d’avions se portent bien. Elles sont en augmentation de plus du quart par rapport à la même période de l’année dernière, poussées par la vente de plusieurs appareils au prix plus élevé.

Cette année, la société Pipistrel mène à bien plusieurs projets d’ampleur, notamment la construction d’un nouvel hangar de fabrication dans la ville toute proche de Gorizia en Italie. Les premières séries du modèle Panthera seront livrées dés cette année. Mais elles seront encore fabriquées sur le site de Ajdovščina (Slovénie).

Pipistrel a obtenu de la part de l’Agence européenne de la sécurité aérienne un certificat lui permettant de concevoir elle-même ses aéronefs. Le bureau d’études et de prototypage emploie actuellement 35 ingénieurs développement ce qui représente un effectif assez conséquent sur un total de 90 employés, mais représente un coût indispensable pour permettre à Pipistrel de rester compétitif les prochaines années, concourir à tous les nouveaux appels d’offres et trouver de nouvelles solutions dans le domaine de l’aéronautique.

Le certificat obtenu revêt beaucoup d’importance pour la société Pipistrel car il lui donne la possibilité d’effectuer la plupart des tests elle-même ce qui diminue de façon non-négligeable le coût du poste certification lors de la production de nouveaux articles y compris le modèle Panthera. Celui-ci sera dés le mois d’août le premier à obtenir cette certification qui lui permettra d’être mis sur le marché également dans la catégorie appareil commercial deux-places et non plus seulement comme appareil ultraléger.

Pipistrel continue de chercher de nouveaux marchés. Pour cela, la société slovène recourt même à des opérations marketing majeures qui la mettent en importante visibilité comme par exemple avec ce spot publicitaire (voir sur Youtube) pour Volkswagen et son modèle coupé quatre portes compact Lamando destiné au marché asiatique tractant un planeur Pipistrel Taurus. Un spot qui devrait être vu par près d’un milliard de personnes en Chine, Hong Kong et Taïwan.

Depuis l’année dernière, Pipistrel vend davantage d’avions ultralégers. Les revenus de cette année pour le premier semestre sont en augmentation de 27 % par rapport à la même période en 2014. Et pour la première fois dans l’histoire de Pipistrel, les ventes d’avions équipés de moteurs électriques ont dépassé celles d’avions équipés de moteurs à essence.

 

Sources