Ports de l’Adriatique nord : la construction de la seconde voie ferrée Koper-Divača (Slovénie) enfin sur les rails


Seconde Voie férrée Koper-Divaca. Photo: Drugitir.siLa construction d’une seconde voie ferrée, intitulée « Drugi tir », entre le port slovène de Koper et le nœud ferroviaire de Divača était jusqu’à présent un serpent de mer qui mettait les politiques et le monde des affaires slovènes en émoi depuis les années 90. En effet, l’Assemblée nationale slovène avait confirmé la nécessité de mener à bien ce projet dés 1995, dans le cadre du programme national de modernisation des infrastructures ferroviaires. Or, il semble que ce chantier, après plus de deux décennies d’hésitations, va enfin pouvoir être mis concrètement sur les rails. D’après certains médias et experts, les travaux préalables pourraient même commencer durant l’année en cours.

Cette seconde voie ferrée, d’une longueur de 27 km, vise à alléger et fluidifier le trafic ferroviaire entre le port marchand de Koper et l’intérieur des terres en dédiant une voie ferrée spécifique pour le transport de marchandises. Rappelons que Luka Koper représente, non seulement pour la Slovénie mais aussi pour toute l’Europe centrale, une plateforme de transit de marchandises d’importance régionale. C’est d’ailleurs par ce port qu’une grande partie des véhicules Renault et Mercedes produits sur les chaînes d’assemblage de Novo Mesto est exportée. Or, la ligne actuelle Koper-Divača ne répond plus aux normes, établies par le Conseil de l’Europe en 2012, et qui doivent être appliquées d’ici 2030.

 

Des enjeux stratégiques autant européens qu’économiques

D’un point de vue économique strictement slovène, certains experts estiment que la non-construction de cette portion de voie ferrée pourrait engendrer une perte totale de tonnage transporté et transbordé de l’ordre de 210 à 240 millions de tonnes. À titre d’exemple, le port de Luka Koper a enregistré en 2015 un frêt maritime de près de 20 millions de tonnes. Selon un groupe d’experts qui a mené une étude sur l’opportunité de ce projet pour la Slovénie, si à cause de limitations en termes d’infrastructures, les marchandises transitant aujourd’hui par le port de Koper devaient être à l’avenir reroutées vers des ports voisins (ndlr Trieste en Italie ou Rijeka en Croatie), alors la perte de valeur ajoutée cumulée pourrait se chiffrer à une fourchette comprise entre 2,7 à 3,4 milliard d’euros, soit l’équivalent de 6,4 à 9,1 % du PIB de la Slovénie en 2014. Une perte bien supérieure au coût du projet estimé aujourd’hui à une fourchette de 800 millions à 1,4 milliard d’euros.

D’un point de vue régional et européen, le projet s’inscrit dans le cadre du programme des grands corridors transeuropéens (RTE-T/TEN-T) promu par l’Union européenne et plus précisément, s’agissant de la seconde voie ferrée Koper-Divača, du corridor Baltique-Adriatique N° 11 appelé aussi Route de l’ambre.

Corridor N° 11 Baltique-Adriatique. Illustration: Agence 2TDK

Corridor N° 11 Baltique-Adriatique. Illustration: Agence 2TDK

Ensuite, il existe un important enjeu environnemental puisqu’il s’agit de basculer une partie du trafic routier actuel vers une solution par voie ferrée. On attend donc de ce projet une diminution notable des émissions polluantes liées au trafic routier de marchandises ainsi qu’une moindre usure du réseau routier particulièrement fragile en Slovénie. L’aspect sécurité fait aussi partie des gains attendus, puisque cette région de type méditerranéen subit régulièrement des incendies de forêt et de broussailles durant la période estivale.

 

Un historique compliqué

Le tracé qui fait aujourd’hui consensus n’a été validé par un décret du Gouvernement qu’en 2005, suivi d’un amendement en 2014. Or, sans tracé, il n’est pas possible de produire le schéma directeur d’urbanisme et les plans d’urbanisme locaux. Le permis de construction a quant à lui été obtenu au printemps 2016.

Concernant le financement, l’ébauche du plan d’investissement a été produite en 2013, après une première évaluation en 2010. Bien que ce document fasse encore débat et n’a pas encore donné lieu à une version définitive, les permis de construire ont néanmoins été délivrés en 2016, faisant avancer le projet d’un pas supplémentaire. Toutefois, la valeur du projet s’est vue fortement augmenter, de l’ordre de 50 %, entre 2010 et 2013. Ces questions de financement ne sont pour le moment pas encore résolues et font à l’heure actuelle couler beaucoup d’encre au sein des médias slovènes. Les médias s’interrogent notamment sur le véritable (ndlr, définitif) coût du projet et bien sûr de son financement.

 

Des financements internationaux

La recherche des modalités de financement du projet de seconde voie ferrée passe par une combinaison de plusieurs sources : partenariat public-privé, fonds structurels et d’investissement européens, en particulier l’Aide au mécanisme pour l’interconnexion en Europe CEF (Connecting Europe Facility), ainsi que des aides auprès de la Banque d’investissement européenne (BEI).

À ces sources de financement privilégiées s’ajoutent également des possibilités de co-financement et des partenariats avec des pays voisins aux intérêts convergents, mais aussi des parties prenantes géographiquement plus lointaines. Ainsi, plusieurs pays ont d’ores et déjà témoigné de leur intérêt pour participer à la construction de cette voie ferrée dont la Hongrie, Rép. tchèque ou encore la Slovaquie, qui sont des pays sans façade maritime et pour lesquels le port marchand de Koper représente bien souvent l’accès le plus proche à la mer aussi bien pour les exportations que pour les importations. De manière surprenante, ce sont même les Chinois qui ont les premiers proposé leur participation ! De même, à l’occasion d’une visite officielle récente du Président de la Slovénie, Borut Pahor, en Russie, la Compagnie des chemins de fer russes (RJD) aurait aussi fait part de son intérêt pour investir dans ce projet.

Le Ministère des infrastructures serait plutôt intéressé par des investissements privés qui ont l’avantage de ne pas alourdir la dette publique. Quant aux modes de financement, ceux-ci pourraient prendre la forme d’une émission d’obligations, de subventions et de crédits auprès d’institutions bancaires.

La mise en œuvre de cette seconde voie permettra de réduire la distance entre Koper et Divača de 45,5 km actuellement à 27,1 km, et le temps de trajet de 43-48 minutes à 15-21 minutes. La vitesse des trains pourra passer de 70 jusqu’à un maximum de 160 km/h. À savoir que 60 % du frêt entrant et sortant du port de Koper transite par chemin de fer.

 

Le calendrier et le tracé enfin définis

Afin de mener ce projet à bien, le Gouvernement et le Ministère de l’infrastructure slovènes ont mis en place une agence de développement économique dédiée, 2TDK. L’agence 2TDK édite un portail Internet bien documenté, disponible également en anglais, qui a pour objectifs d’expliquer au public et aux parties prenantes la pertinence du projet et de les informer sur les évolutions intervenant tout au long de sa vie. On y apprend que le projet comprend un grand nombre d’ouvrages d’art dont 8 tunnels totalisant une longueur de 20,5 km, 2 viaducs (longueur totale 1099 mètres), 2 ponts ainsi que la mise en place d’une galerie. Une animation multimédia montre le tracé de la nouvelle voie.

Seconde voie Koper-Divaca - Plan du tracé. Illustration: Agence 2TDK

Seconde voie Koper-Divaca – Plan du tracé. Illustration: Agence 2TDK

 

Conclusion

Le projet « Drugi Tir » inclut également un volet modernisation de la ligne existante. Avec l’ajout de la seconde voie, la capacité de frêt de marchandises totale passera à 43,4 million de tonnes par an et permettra le passage de 222 trains par jour. Nul doute que ce projet permettra d’accompagner la croissance et le développement du port marchand de Koper et contribuera de manière sensible à la croissance économique slovène durant les prochaines décennies, tout en attirant de nouveaux opérateurs de logistique à Koper.

 

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